Effectuer plus longtemps un travail durable : 3 enseignements

L’augmentation de l'âge de la retraite en Belgique – 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030 – a déjà fait couler beaucoup d'encre. Le fil conducteur ? Travailler plus longtemps n’est possible que si le travail est faisable et sain. Et pour atteindre cet objectif, des échanges sont plus que jamais indispensables entre le terrain et le monde académique.

Mathieu Verbrugghe (PhD), chercheur chez Mensura, a assisté à deux événements dont le thème central était l'employabilité durable : INCOSE à Bruxelles et Wahe à Wuppertal en Allemagne. Ses observations en trois enseignements :

1. travailler plus longtemps commence au début de la carrière

Le débat concernant l'allongement des carrières porte souvent uniquement sur les collaborateurs déjà plus expérimentés. Une chose est certaine : si nous voulons tous travailler plus longtemps, les connaissances approfondies et les aptitudes sociales des travailleurs plus âgés doivent davantage être exploitées comme des atouts et des points forts. Cependant, pour permettre aux personnes de travailler plus longtemps, il est capital d'offrir dès le tout début de la carrière une perspective durable.

Notre équilibre travail-vie privée, la conscience que nous avons de notre santé, nos aptitudes, notre manière d'apprendre, le sens que nous accordons au travail… sont autant d'éléments qui changent au fil de notre carrière. Ils nécessitent en outre une approche différente selon la phase de vie dans laquelle se trouve le collaborateur.

2. toute l'organisation doit travailler sur l'allongement durable des carrières

Les valeurs, les normes, la motivation et l'identité sont à cet égard des facteurs déterminants par rapport auxquels non seulement les collaborateurs mais aussi l'organisation dans son ensemble portent une responsabilité. Herman Van de Velde, administrateur de l'entreprise de lingerie du même nom, a donné un exemple pratique dans le cadre d’INCOSE.

Afin de permettre aux collaborateurs de travailler plus longtemps tout en restant dynamiques et en bonne santé, Herman Van de Velde met notamment l'accent sur :

  • le contenu de la fonction – grâce à la variété dans le travail et à des formations destinées à rendre les collaborateurs polyvalents, chacun est impliqué dans tout le processus de production, tandis que l'implication et l'enthousiasme au travail sont renforcés ;
  • la motivation – peut être stimulée grâce à de nouveaux systèmes de rémunération qui ne mettent pas l'accent sur la quantité, mais sur la manière dont les collaborateurs font leur travail ;
  • la culture de l'organisation – créer la passion pour le travail notamment en attribuant des compétences décisionnelles, en communiquant et en fournissant un feed-back de façon plus transparente, et en fixant des objectifs inspirateurs.

3. la capacité de travail s'inscrit dans un cadre social large

Globalisation, diversité croissante, digitalisation, nouvelles valeurs, glissements démographiques : notre société est en pleine mutation et le monde du travail change lui aussi. Conséquence ? Notre capacité de travail, c'est-à-dire la mesure dans laquelle nous sommes physiquement et mentalement aptes à effectuer notre travail, est mise sous pression.

Selon le professeur finlandais Juhani Ilmarinen, notre capacité de travail est comme une maison. Sa solidité est déterminée par l'équilibre entre les caractéristiques individuelles, les exigences du travail et l'environnement. Pour maintenir debout notre « Maison de la Capacité de travail » dans notre société, une évolution est nécessaire en ligne avec les tendances globales. Un virage doit être opéré vers le « travail faisable », qui motive, offre des chances d'apprentissage et crée un équilibre entre travail et vie privée. Citons parmi les possibilités (cf. le projet européen Workage) :

  • des exigences de travail mieux adaptées aux collaborateurs – sur les plans quantitatif, cognitif et physique ;
  • plus de contrôle du collaborateur sur sa fonction ;
  • des méthodes de travail novatrices, qui soutiennent les structures organisationnelles et de management ;
  • plus de co-leadership et de droit de parole pour les collaborateurs ;
  • une qualité intrinsèque accrue de la fonction.

Tant les collaborateurs que les organisations en bénéficieront. Une meilleure capacité de travail permet en effet de réduire l'absentéisme et la rotation du personnel, tout en améliorant la productivité et l’image de l'employeur.

Synergie entre science et pratique

Une chose est claire : chaque organisation est unique et doit permettre de manière spécifique à ses collaborateurs de travailler plus longtemps et de manière plus saine. Afin d'inclure cette spécificité et cette diversité, le monde des entreprises et celui de la recherche doivent collaborer. Un processus qui ne fait que commencer !