Alcool, autres drogues et travail : que peut faire l’employeur ?

« La consommation de substances pendant les heures de travail est un phénomène assez rare. Pourtant, les employeurs ont intérêt à investir dans une politique concrète en matière d’alcool et de drogues. En effet, même lorsqu’un collaborateur consomme des psychotropes durant son temps libre, les effets peuvent se faire sentir sur le lieu de travail », souligne Marie-Claire Lambrechts, coordinatrice « secteur travail » au sein du Vlaams expertisecentrum Alcohol en Andere Drugs.

Dans leurs consignes, les politiques en matière d’alcool et de drogues se cantonnent souvent à la « consommation au travail ». Mais l’alcool, les drogues illicites et les médicaments psychoactifs s’utilisent surtout en dehors du cadre professionnel. Or, sachant que ces substances influencent le fonctionnement du cerveau, leur consommation dans la sphère privée risque d’affecter le comportement de l’individu au travail.
 

Substances licites ≠ substances inoffensives

Marie-Claire : « Il ressort de mon étude sur la consommation de substances par les travailleurs belges, et sur les effets néfastes de ces usages sur le lieu de travail, que l’alcool l’emporte largement sur les autres psychotropes. 83,1 % des répondants ont indiqué avoir consommé de l’alcool au cours de l’année écoulée. De plus, un groupe important a déclaré utiliser des somnifères (9,3 %), des antidépresseurs (7,9 %) et du cannabis (7,4 %). »

Que l’alcool arrive en tête de liste n’a rien d’étonnant. « Mais ce n’est pas parce que l’alcool est licite que ses répercussions sur le lieu de travail sont moins graves. On ne devrait jamais sous-estimer les effets produits par la consommation d’une substance, quelle qu’elle soit – ni à court, ni à long terme. A court terme, je pense aux retards au travail ou même à l’absentéisme, aux prestations irrégulières, aux conflits avec les collègues, etc. Et si le travailleur n’arrive pas à maîtriser sa consommation, il sera plus susceptible de développer un cancer ou une maladie cardiovasculaire à long terme. »

Une problématique prioritaire

« En 2010, la législation sur l’alcool et les drogues au travail (CCT 100) a sensibilisé le public à la consommation de substances dans un cadre professionnel. Depuis, chaque organisation est tenue d’établir une politique préventive en la matière. Mais suite aux nouvelles problématiques, et je pense notamment aux crises sanitaire et énergétique, les risques liés à la consommation d’alcool et d’autres drogues sont repassés au second plan. Or, ces crises favorisent aussi la consommation problématique de telles substances. D’où l’importance de renforcer la sensibilisation et l’accompagnement des travailleurs. Il ne suffit pas de placarder une affiche pour faire bouger les choses », souligne Marie-Claire.
 

Individu – substance – environnement

« Tout usage problématique tient à l’interaction de trois facteurs : l’individu, la substance et l’environnement. Autrement dit, le risque de rencontrer des problèmes liés à la consommation dépend des caractéristiques de la personne concernée, des propriétés spécifiques de la drogue et du contexte immédiat. »

« Cela explique pourquoi certaines professions y sont plus sujettes que d’autres. Si votre métier vous confronte souvent à l’alcool ou aux drogues illicites, par exemple, vous sauterez plus vite le pas de la consommation. De même, les personnes exposées au stress dans leur travail ou subissant une forte pression sociale de la part des collègues seront plus enclines à trouver refuge dans les psychotropes. »

Les quatre piliers d’une politique préventive en matière d’alcool et de drogues

« Les politiques en matière d’alcool et de drogues mettent souvent l’accent sur le fonctionnement du travailleur : quels sont les effets sur sa santé et sur son comportement au travail ? Et comment y sensibiliser le collaborateur ? Mais il faut aussi tenir compte des raisons qui motivent ces usages. C’est la seule façon de créer un cadre où chacun, sans exception, bénéficie des mêmes chances de traiter à la fois l’éventuel problème de fonctionnement et le problème sous-jacent. D’où l’importance d’ancrer cette problématique dans une politique concrète. »

Les quatre piliers d’une politique préventive forte en matière de psychotropes

1. Règles : définissez des directives et des procédures limpides sur la consommation d’alcool et de drogues dans le cadre du travail. L’essence même d’une politique, c’est d’identifier clairement les comportements autorisés et interdits.

 

2. Procédures : désignez une personne en interne, qui veillera au respect collectif des règles. Que faire en cas de dysfonctionnement d’un travailleur ? Qui doit intervenir ?

 

3. Assistance : assurez l’accompagnement professionnel des collaborateurs qui ont des problèmes d’alcool ou de drogues. Le médecin du travail ou la personne de confiance peuvent être des interlocuteurs importants.

 

4. Sensibilisation : sensibilisez les travailleurs aux conséquences de la consommation d’alcool et de drogues.

Impliquez le médecin du travail

« Lorsqu’un collaborateur se voit prescrire un médicament psychoactif par son médecin traitant ou un spécialiste, il est préférable qu’il en informe le médecin du travail, surtout s’il exerce une fonction de sécurité. Ainsi informé, le médecin du travail pourra évaluer les effets du traitement sur le comportement au travail et adapter les tâches en conséquence. Hélas, ce type de mesures reste encore très rare », conclut Marie-Claire.

Consommation d’alcool et de drogues dans le cadre du travail : l’importance d’une politique claire

Les conséquences d’une consommation de drogues ou d’alcool au travail peuvent s’avérer désastreuses pour le collaborateur concerné, mais aussi pour ses collègues et l’organisation dans son ensemble. En identifiant clairement les risques, vous pourrez prendre des mesures de prévention adéquates et conclure des accords explicites avec tous les collaborateurs.

 

Nos experts vous y aideront volontiers.
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